L'hibernation des tortues : Une période critique à préparer en amont

L’hibernation est un état de torpeur et d’insensibilité secondaire à une baisse de la température corporelle pendant la période hivernale. C’est, d’une part, une adaptation aux changements de conditions climatiques : baisse de la température, diminution de la durée d’ensoleillement, diminution des ressources alimentaires, mais également un besoin physiologique annuel de repos pour la tortue. Une part hormonale est probablement aussi impliquée dans le déclenchement de cet état.

L'hibernation est une période pendant laquelle la tortue est particulièrement vulnérable, puisque ses réflexes sont très diminués et que son système immunitaire est en veille. Une préparation au préalable et "dans les règles" est donc le meilleur moyen de limiter que cette période critique lui soit fatale!

Toutes les espèces de tortues n'hiberne pas! Celles qui n'ont pas besoin d'hiberner dans leur milieu d'origine, n'auront pas besoin d'hiberner en captivité sous nos latitudes et ne sont pas physiologiquement armées pour survivre à une période de jeun aussi longue! Il est donc indispensable de les garder dans des conditions environnementales qui miment le climat de leur environnement naturel. Si vous avez des doutes, renseignez vous auprès de votre vétérinaire spécialiste.

Les tortues qui hibernent et que l'ont retrouve le plus souvent dans les foyers français sont les tortues dites "méditerranéennes" comme la tortue d'Hermann et la tortue grecque, et la tortue des steppes de Russie.

Les espèces de tortues citées précédemment sont des espèces qui, naturellement, ne vivent pas sous nos latitudes. Elles sont habituées à des climats très différents du climat de l’ouest de la France. Les hivers humides et relativement doux que nous connaissons ne sont pas adaptés à l’hibernation de ces tortues, qui sont adaptées à un climat plutôt sec (très froid et sec pour la tortue des steppes, doux mais sec pour les tortues méditerranéennes). Il est donc important de leur proposer des conditions d’hibernation correspondant à leur besoins physiologiques afin de limiter le risque de développement de maladies pendant la période hivernale, notamment des maladies respiratoires.

Par ailleurs, en extérieur, votre tortue est soumise aux variations de températures, et en cas de redoux durant l'hiver, il est possible de la voir se déterrer, pour se ré-enterrer (ou pas!) lorsque la température redescend. Ce phénomène de réveil/ré-endormissement est dangereux pour la suite de l'hibernation de votre tortue qui va épuiser beaucoup plus rapidement que prévu ses réserves en énergie et en eau. De même, si elle ne se ré-enterre pas correctement, elle sera plus exposée vis-à-vis d'animaux qui pourraient la blesser (rongeurs, chiens...).

Enfin, en la laissant dans le jardin, sans surveillance particulière, on prend le risque que la tortue s'enterre avant même d'avoir pu préparer l'hibernation correctement ce qui peut mettre en danger la vie de l'animal pendant cette période de vulnérabilité.

Les nuisibles

L'hiver, la nourriture se fait plus rare pour tout le monde. Quelle aubaine pour un rongeur comme le rat de trouver une tortue mal enterrée dans le jardin! Un garde manger vivant et qui ne se débat pas... Il n'est donc pas rares de voir arriver en clinique pendant l'hiver ou au réveil d'hibernation, des tortues portant des plaies de morsures sur la carapace, et portant des lésions plus ou moins profondes sur les pattes, la tête ou encore la peau! 

L'humidité

L'humidité élevée en hiver est un facteur très mal supporté par ces tortues. En effet, leur organisme n'est pas adapté pour la supporter et cela la rend plus vulnérable au développement de maladies de la sphère ORL virales (herpèsvirus surtout) et/ou bactériennes (mycoplasmes principalement). Ces germes peuvent provoquer des rhinites (on remarque des bulles sur les narines au réveil d'hibernation), des otites mais aussi des pneumonies. L'immunité fonctionnant très peu pendant l'hibernation, la tortue n'est pas apte à combattre ces infections et se réveille malade voire meure avant la fin de son hibernation.

Les parasites digestifs

Comme énoncé précédemment, l'immunité de la tortue est basale pendant l'hibernation. Ainsi, si elle s'endort avec des parasites digestifs dans l'estomac ou les intestins, ces derniers peuvent profiter de l'état de dormance de l'animal pour se développer. Encore une fois, si la tortue se réveille de son hibernation, son état de santé peut être très affecté!

Les maladies sous-jacentes

La baisse d'immunité pendant l'hibernation est un facteur qui peut aussi être à l'origine du "réveil" d'une maladie déjà présente quand la tortue était encore réveillée, mais qui était "gérée" par le système immunitaire. En laissant la tortue s'endormir, on facilite l'échappement de la maladie et si la tortue se réveille un jour, elle pourra être malade et ne sera plus capable de combattre seule sa maladie.

La stagnation de selles dans le tube digestif

L'inconvénient de faire hiberner en extérieur, c'est qu'on ne peut jamais savoir quand la tortue a arrêté de manger (c'est d'autant plus vrai si la tortue s'est réveillée une ou deux fois dans l'hiver!). Pendant l'hibernation, le métabolisme est lui aussi au plus bas, la digestion s'arrête donc progressivement et s'il reste du bol alimentaire alimentaire ou des selles dans le tube digestif, ces derniers vont stagner tout l'hiver dans l'organisme pour le plus grand plaisir des bactéries intestinales! Ces dernières auront tout le substrat nécessaire pour se développer de manière excessive et rendre la tortue malade ou la tuer pendant l'hibernation!

Série de photos montrant diverses lésions de morsures de rat chez des tortues ayant hiberné dans le jardin sans protection (@Lauriane Devaux)

Rhinite vraisemblablement à herpèsvirus chez une tortue, associée à la présence de parasites digestifs (vers) en très grande quantité, en réveil d'hibernation (@Lauriane Devaux)

Otite unilatérale chez une jeune tortue, noter le renflement à la base de la tête, derrière l'écaille tympanique (@Lauriane Devaux)

Avant l'hibernation 

1. Faire un bilan de santé chez mon/ma vétérinaire spécialiste à partir de la fin de septembre (au moins 1 mois avant de la faire dormir). En fonction de l'état et des antécédents de votre tortue, il pourra vous proposer certains examens complémentaires pour être sûr(e) que tout va bien. C'est également l'occasion d'élaborer le plan de vermifugation.
2. S'assurer que la tortue ne mange plus au minimum 2 à 3 semaines avant la "mise à l'hibernation". Dès lors, un bain de siège quotidien dans de l'eau tiède permettra de vider son tube digestif des selles qui pourraient rester et de faire ses réserves en eau.
3. Choisir l’hibernatorium (pièce dans laquelle la tortue est placée pendant l’hibernation) : température ambiante constante (cave, cellier, réfrigérateur dédié…), calme, obscurité, à l’abri des prédateurs. Le choix de la température dépend de l'espèce de la tortue
4. Choisir l’hibernaculum (boite contenant la tortue) : idéalement isotherme, équipée d’un thermomètre, substrat sec (foin, paille) permettant l'enfouissement. 
5. Enfin, peser la tortue avant de la mettre à dormir. Elle ne devra perdre plus de 20% de son poids pendant la période d'hibernation.

Pendant l'hibernation

Une fois par semaine, vérifier l'état d'engourdissement de la tortue et la température de l'hibernaculum. Si la tortue vous semble plus active ou s'est "déterrée", il est temps de la sortir. Lors d'une hibernation en réfrigérateur, la température étant très stable, il faudra "provoquer" le réveil en plaçant l'hibernaculum dans une pièce où la température augmentera progressivement.

La tortue est ensuite replacée dans son terrarium en attendant de pouvoir retourner à l'extérieur.

Après l'hibernation

1. Peser la tortue.
2. Réinstaller la tortue dans son terrarium (idéalement) et augmenter progressivement la température et la photopériode afin de relancer le métabolisme de votre tortue.
3. Faire des bains de siège dans l'eau tiède quotidiennement jusqu'à la reprise d'une alimentation normale pour favoriser la réhydratation de l'animal.
4. Proposer un peu de nourriture tous les jours jusqu'à revenir à une alimentation normale. Cela peut prendre jusqu'à 7 à 10 jours, au delà on parle d'anorexie et cela doit justifier une visite à votre vétérinaire.
5. Un nouveau bilan de santé chez votre vétérinaire est de toute façon conseillée 1 mois après le réveil. Une nouvelle vermifugation pourra être envisagée.

L'hibernation est un repos physiologique nécessaire pour les espèces qui la "pratique". Il est possible de rater une ou deux hibernations pour des raisons médicales mais empêcher systématiquement votre tortue d'hiberner si elle le doit peut, à terme, mener l'animal à un état d'épuisement physiologique tout aussi dangereux pour sa santé qu'une hibernation mal menée.

Chez les très jeunes tortues, l'hibernation n'est pas forcément recommandée avant 2 ou 3 ans. Demandez conseil à votre vétérinaire!

Enfin, vous trouverez toujours quelqu'un pour vous dire qu'il connait/a connu une tortue qui a toujours très bien hiberné dehors et que tous les conseils précédemment cités ne servent à rien. Cela peut être vrai et tant mieux pour cette tortue! Mais vous connaissez maintenant tous les risques associés à cette pratique et l'hibernation en intérieur est un moyen de les diminuer (sans les supprimer totalement, le risque zéro n'existe pas!) et d'éviter d'écourter l'espérance de vie de votre tortue!

Sachez enfin que dans leur milieu naturel, les tortues sauvages hibernent effectivement sans toute cette préparation au préalable, mais elle ne se réveillent pas toutes non plus au printemps!

A vous de choisir en connaissance de cause maintenant!

(@fachisthers.com/UserFiles/image/February%202012/Hibernation.jpg)

1. Les fiches d'élevages pour avoir les conditions d'hibernation par espèce.
2. McArthur S, Wilkinson R, Meyer J. Medicine and surgery of tortoises and turtles. Ames. 2004. p579
3. Mader DR. Reptile medicine and surgery. 2nd ed. St Louis. 2006. p 1242
4. McCormack S. Pre- and post-hibernation problems in Mediterranean tortoises. Companion animal. 2016;21(11):650-656