ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DE L'APPAREIL REPRODUCTEUR DE L'OISEAU FEMELLE
L’appareil reproducteur femelle de l’oiseau est composé d’un unique ovaire (à part de rares exceptions), situé au dessus des reins et des glandes surrénales. Il est fermement attaché à la paroi dorsale du cœlome (équivalent du péritoine et de la plèvre des mammifères = les sacs qui enferment les organes) par un ligament. Ces caractéristiques font de la stérilisation chirurgicale une intervention difficile et risquée. L’oviducte (= conduit menant l'œuf de l'ovaire jusqu'au cloaque) est divisé en cinq parties ayant chacun un rôle dans la fabrication et l’expulsion de l’œuf.
La durée de transit de l’œuf dans l’oviducte varie selon les espèces. Elle est de 24 heures chez la poule et chez la plupart des oiseaux de compagnie. Cependant, des variations individuelles sont possibles au sein d’une même espèce.
La rétention d’œuf est l’incapacité de l’œuf à parcourir l’oviducte à une vitesse normale. La variabilité de la durée de transit de l’œuf complique donc le diagnostic d’un éventuel problème de ponte. Cette situation est à différencier de la dystocie qui est un état pendant lequel le transit de l’œuf en formation est interrompu dans la partie basse de l’oviducte et cause soit une obstruction du cloaque soit un prolapsus de l’oviducte. Les dystocies sont plus fréquentes chez les petites espèces (Inséparables, Calopsittes, Conures…).
ORIGINE ET SYMPTÔMES
L’origine de la rétention d’œuf est souvent la conséquence de plusieurs facteurs. Elle peut découler de problèmes de maintenance comme des carences alimentaires (carence en calcium, carences vitaminiques), de l’obésité et d'une alimentation trop riche en général, un manque d’exercice, un environnement inadapté (durée d'exposition à la lumière trop importante ce qui simule la période propice à la reproduction, la stimulation de "l'instinct" par la présence de zone de ponte comme des nichoirs). Une affection de l’appareil reproducteur, une maladie générale ou une anomalie génétique peuvent aussi être mises en cause. Les dystocies peuvent être également consécutives à de la reproduction hors saison, à des anomalies anatomiques ou se produire chez les femelles lors de leur première ponte.
De nombreuses complications peuvent se produire. Lorsque l’œuf reste bloqué au niveau du bassin pendant une longue période, il est possible d’être confronté à une compression des nerfs et des vaisseaux du bassin et des reins évoluant vers des troubles de la circulation sanguine, un choc ou une paralysie des pattes. Lorsque le cloaque (zone d'évacuation des urines, des selles et des œufs) est comprimé jusqu’à l’obstruction, des troubles sévères du métabolisme peuvent apparaître. Enfin, l’oviducte peut, à terme, nécroser et se rompre, libérant son contenu dans la cavité cœlomique.
Les symptômes varient en fonction de la taille de l’oiseau et dépend de la sévérité des éventuelles complications. D’une manière générale, l’oiseau est abattu, peut refuser de se percher et il présente des troubles respiratoires (respiration rapide, désordonnée, respiration bec ouvert, battement de queue synchronisé avec la respiration). Il peut présenter des efforts de poussée dans certains cas, voir même un prolapsus du cloaque et/ou de l'oviducte. La fréquence d’émission des fientes peut être diminuée et leur volume augmenté. Une boiterie ou une paralysie des pattes est aussi possible. Dans les cas sévères de dystocie, une coloration blanc-bleuté des pattes indique que la vascularisation est compromise. Une intervention immédiate est alors requise.
Prolapsus de l'oviducte chez une poule en rétention d'œuf
QUE DOIS-JE FAIRE EN CAS DE RÉTENTION ?
Il s'agit d'une urgence qui peut être rapidement vitale! Une consultation chez un vétérinaire est indispensable. Mettez votre oiseau dans une cage de transport couverte d'une serviette, pour limiter le stress, et en cas de prolapsus, couvrez l'organe sorti d'une compresse d'eau froide avant de vous rendre chez le vétérinaire.
Le diagnostic passe par une radiographie ou une échographie qui permettent de localiser l'œuf et de mettre en évidence une forme, une taille, une calcification de la coquille anormale ou d'autres éléments qui pourraient expliquer l'impossibilité de l'oiseau à expulser l'œuf. Au besoin, une prise de sang peut aussi être recommandée.
Rétention d'œuf diagnostiquée à la radio (@Minh Huynh)
L’étape la plus importante dans la prise en charge de l'oiseau est la stabilisation de l’animal (réhydrater, réchauffer, oxygéner). L’extraction de l’œuf est réalisée dans un deuxième temps.
Le traitement médical doit être tenté en premier lieu si les voies génitales sont intactes. L’utilisation de calcium, d'ocytocine ou de certaines prostaglandines, lorsqu'elles sont disponibles, peuvent dans certains cas être efficace. Si après deux injections la ponte n’a toujours pas eu lieu, il convient de passer à des méthodes plus invasives : aide manuelle à l'expulsion, vidange de l'œuf via une aspiration transcutanée du contenue de l'œuf, chirurgie.
Vidange d'un oeuf par voie transcutanée à l'aide de l'échographie, aspect échographique de l'œuf
La méthode chirurgicale est le dernier recours lors d’une rétention d’œuf ou d’une dystocie, mais c’est la méthode de choix lorsque l'œuf est sorti de l'oviducte pour se développer dans la cavité de "l'abdomen". Selon l’état des voies génitales on procède à une césarienne ou à un retrait d'une partie de l'oviducte. Chez les perroquets ayant subi cette intervention, l’activité de l'ovaire diminue et il rentre en dormance grâce à la sécrétion de certaines hormones par l'oviducte. Dans l’hypothèse où l’intégralité de ce dernier n’est pas retiré lors d’une telle chirurgie, il est donc nécessaire d'envisager la stérilisation de l’animal.
L'ablation de l'ovaire étant une intervention dangereuse et compliquée, ce n'est pas toujours de la méthode choisi par les vétérinaires. La stérilisation chimique est une alternative possible. A l’heure actuelle, peu de données sont disponibles sur l’utilisation des implants utilisés pour la stérilisation chimique chez les oiseaux. Des études récentes montrent une durée d’efficacité très variable selon les espèces. Un suivi échographique régulier de l’activité de l'ovaire est donc un bon moyen de détecter approximativement le moment où l’implant ne fonctionne plus. Un nouvel implant est alors à mettre en place.
COMMENT PRÉVENIR LE PROBLÈME ?
Pour prévenir la rétention, on doit avant tout éviter les pontes en dehors d'un désir de reproduction d'un couple d'oiseau. Elle est donc axée sur une meilleure gestion des paramètres environnementaux. Il s'agit de ne pas mimer la saison propice à la reproduction = allongement de la durée de jour, abondance de l'alimentation, nidification.
Il est donc conseillé de ne pas les exposer à la lumière artificielle le soir. Un oiseau, et notamment les perroquets, devant dormir 10 à 12h par nuit, il est envisageable de recouvrir la cage par un drap s'il est dans la pièce de vie, mais cela ne suffit souvent pas à lui offrir un sommeil de qualité. Il est donc préférable de le déplacer dans une pièce à l'écart de la vie de la maison et dans le noir. Cela permet de ne pas allonger artificiellement la photopériode.
Concernant l'alimentation, il est conseillé de rationner l'oiseau et limiter les aliments trop riches. Typiquement, les mélanges de graines à volonté sont à proscrire. On préfèrera des "croquettes", ou extrudés, en quantité limitée et éventuellement un mélange de fruits et légumes frais chez les perroquets, perruches et passereaux. L'alimentation des ces espèces sera développé plus longuement dans un autre billet.
Enfin, si la reproduction n'est pas envisagé pour l'oiseau, la présence de nid n'est pas recommandé pour ne pas stimuler la ponte. La présence de perchoirs et de divertissements dans et/ou hors de la cage (billet sur l'enrichissement environnemental en préparation) est suffisante.
Lorsque ces éléments ne sont pas respectés, le risque rétention d'œuf est plus important. Chez certaines perruches, nous pouvons même être confrontés à des pontes chroniques qui peuvent évoluer en rétention et une crise peu finir par être fatale à l'oiseau.
N'hésitez pas à revoir les conditions de vie de votre oiseau avec votre vétérinaire spécialiste en cas de doute!
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